Les violences sexistes, un sujet de société qui nous concerne toutes… et tous.
Dans le cadre d’un projet tutoré, 5 étudiants de l’université de Bordeaux ont organisé une conférence et ont donné la parole à des intervenantes des associations de la Maison de Simone et de l’APAFED, au Commandant de police Christine Tocoua et à Suzanne Quintin, sociologue.
Un récent communiqué de presse du Secrétariat d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, fait état de 332 contraventions pour outrage sexiste dressées sur l’ensemble du territoire national depuis la promulgation de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Au-delà des dispositions légales, qu’en est-il de la réalité de ces filles, de ces adolescentes et de ces femmes confrontées à des remarques dégradantes, à des gestes obscènes qui subissent des situations intimidantes ou hostiles, ou qui sont contraintes par la violence physique ou psychologique ?
Les violences sexistes : des chiffres nationaux en augmentation
En un an en France, on estime à 219 000 le nombre de femmes victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire. Trois femmes sur quatre déclarent avoir subi des violences de manière répétée au cours d’une année. En 2017, 130 femmes ont été tuées dans un contexte de violence en couple et 25 enfants mineurs sont décédés. Et les chiffres de 2018 tendent vers une augmentation de 20 % environ.
Toute aide qui peut être apportée aux victimes et à leurs enfants est indispensable pour assurer leur sécurité et les soutenir dans un processus de reconstruction.
Des actions au quotidien pour aider et accompagner les victimes de violences sexistes
Si ces violences sont dénoncées avec force lorsqu’elles se déroulent sur l’espace public, elles suscitent beaucoup moins d’indignation et trop peu de réactions lorsqu’elles sont quotidiennement subies dans le cercle privé, comme le souligne Céline Lafue, vice-présidente de La Maison de Simone. Les stéréotypes sexistes dans l’éducation et l’organisation sociale, la domination masculine et l’instrumentalisation des religions contribuent au développement de cette violence.
La Maison de Simone existe depuis 10 ans et propose un hébergement pour 4 femmes avec leurs enfants, ainsi qu’un accompagnement social. Annie Perrin, éducatrice spécialisée, œuvre dans cette association depuis bientôt 8 ans et précise que des permanences sont également ouvertes les mardis et vendredis après-midi à Pessac, à la Maison des droits et des services. Le suivi social des femmes qui font appel à la Maison de Simone est axé autour des aspects de logement et de travail. Un accompagnement psychologique et juridique est également mis en place pour ces femmes et leurs enfants. La Maison de Simone accueille en moyenne 10 à 14 familles par an.
Briser le silence, amener les femmes à reprendre confiance en elles et leur place dans la société est un travail au long cours qui peut nécessiter des mois. C’est la mission que s’est donnée l’APAFED (l’Association pour l’accueil des femmes en difficulté), un centre d’accueil, d’écoute et d’hébergement. Son foyer d’urgence, d’une capacité de 34 places, offre un refuge à des femmes qui parfois dorment dans la rue, ou ne peuvent plus rentrer chez elles, à cause de leur conjoint. Des nuits d’hôtel sont également mises à disposition, via la police ou le 115, ainsi que des hébergements d’insertion. Gabrielle Cloche précise que les « veilleuses de nuit », salariées de l’association, sont spécifiquement formées à l’écoute et peuvent proposer un rendez-vous avec les éducateurs en journée ou contacter un numéro d’urgence si besoin. L’APAFED réalise un accompagnement juridique en collaboration avec des avocats spécialisés dans le domaine des violences conjugales. Et Colette Dis souligne l’importance d’obtenir une ordonnance de protection qui constitue une première reconnaissance du statut de victime pour une femme. En 2018, 68 ordonnances de protection ont été prononcées en Gironde, dont une vingtaine à la demande de l’APAFED. L’association prévoit également un suivi psychologique pour les femmes et les enfants qu’elle accueille.
Un réseau d'associations pour un maillage national et régional
L’APAFED et La Maison de Simone adhèrent à la Fédération nationale Solidarité Femmes qui regroupe 67 associations nationales et gère le numéro d’urgence 3919, ainsi qu’un dispositif de mise en sécurité dans les situations de grave danger. Les associations girondines sont également en lien avec ACV2F (Agir contre les violences faites aux femmes) dans le Médoc et Solidarité Femmes Bassin, située à Lanton.
Les multiples visages des violences sexistes ou sexuelles
Le Commandant Christine Tocoua du commissariat de Bordeaux rappelle que les violences sexistes consistent en l’atteinte aux droits fondamentaux de l’intégrité physique des victimes et que la notion de partenaire intime constitue une circonstance aggravante en la matière.
Les délits de viol, d’agression sexuelle, d’exhibition sexuelle ou de voyeurisme sont sanctionnés par le Code pénal et le harcèlement moral ou sexuel ou les injures à caractère sexiste sont passibles d’une amende immédiate de 90 euros minimum. De plus, depuis le 7 octobre 2016, la revanche (ou vengeance) pornographique figure désormais au nombre des délits répertoriés par le Code pénal.
Selon les chiffres* 16 400 viols ont été déclarés en France en 2017 et 24 000 plaintes ont été déposées pour agression sexuelle et harcèlement. Les femmes sont les cibles principales des agressions sexuelles (main sur la cuisse, propos insistants ou encore tentative d’embrasser la victime), notamment dans les transports en commun. Mais il faut aussi souligner que, selon le ministère de l’Intérieur, moins de 10 % des victimes de violences sexuelles et sexistes déposeraient plainte.
Les témoins d’une scène de harcèlement ou d’agression sont souvent démunis et ne savent pas toujours comment agir pour venir en aide à la victime. En la matière, les forces de l’ordre conseillent de ne pas s’interposer, mais de composer immédiatement le 17 et de haranguer les autres passants pour tenter de faire fuir l’agresseur. Filmer ce dernier (aujourd’hui, nous avons tous un smartphone à portée de main !) peut aussi permettre de le retrouver ultérieurement. Par la suite, il ne faut pas hésiter à accompagner la victime au commissariat de police.
De même, toute personne ayant connaissance d’un contenu suspect ou illicite peut en faire le signalement sur la plateforme PHAROS, gérée par des cybers enquêteurs qui sont en mesure d’effectuer des recherches et de lancer une procédure.
À l’université de Bordeaux, une instance spécifique veille et agit
Suzanne Quintin est sociologue et effectue un service civique à la mission égalité entre les femmes et les hommes de l’université de Bordeaux. Elle évoque l’enquête VIRAGE de l’INED de 2018 qui montre que les étudiants et les étudiantes ne sont pas épargnés par les violences sexistes et sexuelles. Sur près de 7 000 réponses recueillies, un tiers des femmes et un quart des hommes ont déclaré au moins un fait de violence dans les 12 derniers mois, qu’il s’agisse de violences psychologiques ou à caractère sexuel.
Elle souligne les conséquences néfastes de ces violences sur le parcours des étudiantes, qui finissent par changer d’orientation ou d’établissement. Si les victimes (étudiantes ou étudiants) se confient souvent à leurs proches ou à leurs amis, elles ne saisissent que très rarement l’université. Pourtant cette institution de l’enseignement supérieur s’est dotée d’une cellule de veille contre les violences sexistes et sexuelles, et homophobes. Un lieu d’écoute et d’accompagnement des victimes et des témoins d’actes de harcèlement ou de violences sexuelles.
Née en 2015, cette cellule est constituée d’une vingtaine de membres, dont une assistante sociale, un psychologue, une infirmière, les représentants de la vie étudiante, une chargée de mission à l’égalité, etc. Depuis son existence, cette cellule universitaire a été exclusivement saisie par des femmes et on dénombre deux cas par mois.
Le collectif CLASCHES, fondé par des doctorantes, s’est donné pour mission de lutter contre le harcèlement sexiste et sexuel dans l’enseignement supérieur. Ce collectif a notamment dénoncé des actes de harcèlement et des auteurs qui, jusqu’ici, restaient impunis. Il forme également du personnel, dont celui de la cellule de veille de l’université de Bordeaux, qui va se doter d’une nouvelle cellule dédiée aux questions de discrimination.
Si la France est le premier pays au monde à pénaliser le harcèlement de rue par des amendes, le chemin à parcourir est encore long.
- IUT Bordeaux Gestion Logistique et Transport : Thibault Lescoeur, Léa Sarrazin, Thierno Diallo, Benjamin Juquin, Olivier Saint-Saens.
- Conférence coorganisée par Smart & Makeup : Sandrine Myon – www.smart-and-makeup.com.
- Intervenantes :
– Pour la Maison de Simone : Contact : 3919 – 24/24-7/7
Céline Lafue vice-présidente et Annie Perrin éducatrice spécialisée
– Pour L’APAFED : Contact : 05.56.40.93.66 – 24/24-7/7
Colette Disse et Gabrielle Cloche, éducatrices spécialisées
– Pour la Police : Commandant Christine Tocoua – en charge de la communication et à l’aide aux victimes
– Pour le Service civique égalité homme/femme : Suzanne Quintin sociologue